Depuis plusieurs semaines, une grève à la SME prive d’eau les martiniquais.
Les grévistes représentés par leurs syndicats demandent une augmentation de 6 et 3% de leur salaire. Les négociations ont commencé et la direction propose 0,4% et 2,4% sous conditions.
Nous n’allons pas commenter ce rapport de force entre syndicat et patron mais analyser la communication de la SME face à la communication des syndicats grâce au reportage de Martinique 1ère diffusé le 23 juillet à 19h (visionnable ici : http://martinique.la1ere.fr/emissions/soir-1ere)
Mais force est de constater à travers ce révélateur que les syndicats sont mieux préparés et sont meilleurs communicants que les patrons qui agissent souvent dans l’urgence de la crise.
Observons et intéressons nous à la forme, le fond n’étant pas de notre ressort :
– le reportage nous montre les employés rassemblés devant le siège de la SME portes bloquées et nous rapporte les propos des syndicalistes.
– le représentant FO annonce que les responsables de l’entreprise ne sont pas présents en Martinique, les négociations se font par visioconférence : « Yo pa sav réellement ki situation nou ni isi’a et ki sa ka pasé paske pou nou sé an insulte. Sa fé 3 jou’ nou doubout. La population martiniquaise ka crié nou yo pa ni dlo et yo ka vini proposé nou 0,4% sur conditions ».
La formulation est lourde de sens. Nous voyons un syndicaliste justifier son action par son action ! Traduisons : « comment la direction peut elle nous proposer si peu alors que les martiniquais subissent les coupures que nous mêmes générons ? »
Une scène que nous avons déjà vue dans des films de prises d’otage. La fin justifie les moyens ou nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, mais …
Une représentante de la CDMT intervient et rapporte les propos de la direction :
• une augmentation sous 2 conditions. La 1ère est la signature du contrat avec le SICSM en automne.
o Pa ni automne ici-a, l’interrompt le syndicaliste FO
• l’indexation des salaires sur l’inflation.
Ce passage dénote plusieurs visions :
– En utilisant le mot « automne » la direction de la SME laisse à entendre qu’elle n’est pas native de Martinique et marque sa différence et sa distance.
– Le syndicaliste FO s’exprime « pa ni automne ici-a » et laisse ainsi à entendre que les propos de la Direction sont claires, pas d’automne en Martinique, donc leur offre ne s’appliquera jamais ! Le sens de « jamais » ou « quand les poules auront des dents ».
– Et puis la subordination de l’augmentation de salaire au gain du marché du SCISM!
En faisant cette annonce à une heure de grande écoute, la direction de la SME place la classe politique dans une situation délicate :
• si la SME remporte le marché, des soupçons naîtront à l’encontre du SICMS
• si la SME ne le remporte pas, le SICSM serait responsable de la non satisfaction des revendications.
Mi bakannal !
Pour terminer, l’interview téléphonique en fin de reportage, permet d’entendre le directeur de la SME, dire qu’il décide unilatéralement que les négociations sont arrêtées et que la demande des grévistes est exagérée.
Puis dans un communiqué paru sur le site web de Martinique 1ère, la SME « demande (…) d’éviter toute action de nature à déstabiliser le service de l’eau et de l’assainissement ». Il est désarmant de voir la direction de la SME exclure ainsi ses propres salariés de l’organisation et de leur mission de service public. Un autre élément de langage qui engendre volontairement une distance entre salariés et direction.
Étonnant management ou logique du chaos !
L’analyse à chaud, que vous venez de parcourir, n’a pas d’autre volonté que d’établit la nécessité d’une bonne préparation des entreprises à la communication et gestion de crise.
En attendant les coupures d’eau se poursuivent… Qui en portera la responsabilité auprès des consommateurs-citoyens ?